Pylône

Quand Gilles Collard et Nicolas Carpentiers nous ont contactés, ils cherchaient à réorienter leur magazine, mais tenaient à la formule de la dernière parution. Un magazine littéraire ouvert aux autres disciplines artistiques. Ils voulaient étoffer la part visuelle, nous voulions quitter la mise en page littéraire conventionnelle. Mais au fond, au fil des conversations, il s’agissait avant tout de partager un mode de vie, une attitude détachée et esthétique face à la clameur du monde. Nos préoccupations graphiques étaient tournées vers l’identité du magazine. Nous le voulions plus petit, dignement contemporain, plus racé que dandy. Il lui manquait une ligne nette, identifiable. Une forme de raffinement sec. Le magazine est devenu pour nous une sorte de personnage cinématographique s’incarnant au fil des 228 pages, s’enrichissant de l’univers des auteurs croisés. On voulait une tension palpable aux rebondissements multiples. On voulait des espaces confinés dans des pages dégagées. On voulait rencontrer en chemin d’autres personnages, improbables ou familiers, assister à leur bras de fer comme à leurs turpitudes, croiser une chevelure rousse, un chapeau à plumes ou une figure christique. Passer du désir au défi, de l’élégance brute à la crainte de la déchéance ; rester en équilibre sur un fil tendu de bout en bout. Liberté(,) Chérie… entre barreaux ouverts. Transgressions multiples, d’une discipline à l’autre, d’un espace à un autre, d’une écriture à l’autre, d’un papier à l’autre, d’une fonte à une autre. Ces va-et-vient forment un rythme, un battement nuancé, un riff visuel. La littérature est avant tout un son. Le graphisme le rend audible.