La Fondation Cartier rêvait depuis longtemps d’une exposition ouverte à la jeune création. D’une rencontre internationale largement ouverte sur des pratiques variées dont le premier titre était "Dans tes rêves…", abandonné suite à la sortie du film homonyme de Denis Thybaud. Des appels à projets, à dossiers, ont été lancés et relayés de par le monde. Les candidatures ont suivi. Mais leur nombre, leur variété et leur qualité – très variable – ont semé le trouble et nécessité une procédure ajustée. Un filtrage s’imposait. La Fondation a fait appel à tous les artistes qui, de près ou de loin, ont exposé en ses lieux ou forment la constellation artistique qui gravite autour d’elle. Une forme de parrainage s’est peu à peu instaurée, dans l’intention de questionner les relais et transmissions d’une génération à l’autre au risque peut-être de privilégier les réseaux des écoles d’art où enseignent ces artistes reconnus. La Fondation ne souhaitait pas donner à cette initiative l’image d’un concours ou d’un état des lieux d’une génération, mais, plus élégamment, de permettre une rencontre entre jeunes créateurs d’horizons extrêmement variés.
Faire un catalogue dans ces conditions nous semblait trop formel, trop figé pour des travaux souvent encore à l’état de prototype, de recherche en atelier. Nous avons, avec la Fondation, opté pour un format magazine. Souple, sur papier glacé, agencé selon des principes visuels. Le titre se voulait jubilatoire, au diapason de la surprise que serait pour nombre d’entre eux de présenter leurs premières œuvres à Paris dans un tel écrin. La plupart, venant des quatre coins du monde, devaient prendre des avions pour se rendre en France. Pendant les préparatifs de l’exposition, la Fondation semblait faire office de service de réservation de compagnie aérienne ce qui nous a mis sur la piste de notre proposition. Réaliser un magazine de voyage, pour lequel chaque artiste dispose d’un ticket d’embarquement pour l’exposition. Le sommaire en est la juxtaposition, donnant à chacun une place dans la page qui restera la sienne, plus loin dans le magazine, quand on reviendra sur son travail. Pour le reste, le magazine est traité hors grille, laissant libre cours au plan de vol de chacun. Chaque artiste est traité de manière différente, au plus proche des besoins de son travail, parfois en densité, parfois en contraste, etc.
Cette forme d’Erasmus artistique (au même moment, "l’Auberge espagnole" de Klapisch était dans toutes les salles) devait, bien entendu, faire aussi l’objet d’une photo de groupe. Nous avons souhaité réaliser une photo d’identité de chacun et les poser en pages de garde, protégées par un papier de soie au motif étoilé de vieil album de photos de familles.
La mise en page a été réalisée en collaboration avec Olivier Lamy