Au cœur du projet, une question essentielle : celle qui taraude les musées d’arts premiers, celle de la restitution possible des œuvres aux pays d’origine. Une parade possible à ce risque réside en l’itinérance des pièces d’un pays à l’autre. Une première pour le musée du quai Branly, lors du centenaire de la mort du roi Béhanzin ; faire sortir les pièces de cour et les présenter à la Fondation Zinsou au Bénin. Mais c'était aussi prendre le risque d’une levée de revendications de conservation des pièces sur place bien que les garanties d’État étaient sans ambiguïtés.
C’est dans ce contexte que le livre a été pensé. Dans cette double vision : un forme de clivage entre la France et le royaume d’Abomey dont Béhanzin, grand résistant face au colonisateur, est l’archétype. Double discours aussi, en deux points de vues. L’occidental d’une part qui met en avant la sauvegarde des pièces majeures et l’étaye d’études scientifiques à leur sujet, et celui, mémoriel et local où la part symbolique se perpétue au travers des pratiques initiées et artisanales des artistes des palais d’Abomey. Les cicatrices sont encore ouvertes, le sujet sensible. Le livre en est le témoin qui pointe les rivalités sous fond d’archives d’images de conflits.
Son principe repose sur un système d’encartages où le point de vue de l’un encercle celui de l’autre. Les coupures de presse d’époque constituent un roman chronologique des événements en guise de pré– et de postface. Un carnet de documents d’archives enserre un cahier de textes de témoignages africains. Ce cahier, inséré au centre du carnet d’archives, repose au creux d’une page contenant une image de l’attaque du camp français par les Dahoméens coupant littéralement le champ de bataille en deux zones opposées. Ailleurs, ce sont les textes scientifiques établis par le musée du quai Branly et les œuvres en sa possession qui sont posés au creux d’un carnet consacré à l’œuvre de Cyprien Tokoudagba, artiste contemporain des palais d’Abomey. Ici se noue un dialogue entre histoire reconstituée et tradition perpétuée. La couverture participe du même principe. Une bandelette horizontale – blanche et matte – traverse la couverture verticale – noire et brillante –, oscillant entre contraste et complémentarité.